L’architecture privée et l’art de la transgression : (re)former le réseau urbain parisien autour de 1780

Dès la fin des années 1770, et en l’absence de planification urbaine officielle, Paris voit se multiplier les opérations foncières et immobilières privées, transformant la ville par une forme de contestation aux réglementations en vigueur. L’intérêt individuel qui motive ces constructions d’habitations neuves, comparé métaphoriquement à un torrent impétueux par les commentateurs de la ville, déferle à l’intérieur et en dehors des boulevards. Le laxisme de la police du bâtiment enclin aux dérogations laisse libre cours à ces prises de liberté, accordées ou usurpées par les particuliers, dans les espaces les plus prisés de la capitale. Pourtant, la monarchie et la municipalité encouragent cette urbanisation et la densification privée en adoptant des règles favorables aux bailleurs et aux spéculateurs. Cette proposition consiste à poser un nouveau regard sur le rôle déterminant des particuliers dans la formation du tissu urbain à la veille de la Révolution française. Ces prises de liberté et la conquête fragmentée du territoire parisien par des financiers, spéculateurs et entrepreneurs annoncent-ils, d’une certaine manière, les mutations dans la sphère privé à venir ? Il s’agira d’analyser ce processus à l’échelle de quelques rues exemplaires, grâce à l’étude des documents de voirie et des actes de vente conservés aux Archives nationales. Ces données seront mises en relation avec des commentaires et critiques relevés dans la presse de l’époque et des publications anecdotiques d’hommes issus du monde de la construction. Cette présentation portera également sur la dynamique entre densification au sol et transgressions typologiques des habitations, conçues en réponse aux aspirations luxueuses de propriétaires modestes. Cette manière de résister aux normes s’observe aussi dans la fusion et la confusion des rôles des acteurs du bâti. La figure du propriétaire-entrepreneur de bâtiments auto-déclaré « architecte » appelle à réévaluer les poncifs liés aux structures de production, structures qui étaient de plus en plus contestées à la fin de l’Ancien Régime.